lundi 28 février 2011

Au revoir Madame Marguerite !

Commençons par emprunter un dialogue d’anthologie à Michel Audiard. Il est tiré du film « Elle cause plus, elle flingue » et il met en présence Bernard Blier et Annie Girardot évidemment.
- Nous mangerons froid.
T’as dit nous ! Qui ça nous ? Ton espiègle et toi vous n’espérez quand même pas d’me refaire le coup de Barbizon !
- C’que tu peux être raclette !
- Ah mais ! Excuse-moi… mais ce sont des repas dont on se souvient : déjeuner en tête-à-tête et je me suis retrouvé à Cochin - aux urgences pour lavage d’estomac. Qu’est-ce qu’on a retrouvé dans mes viscères ? De l’acide prussique - un beurre !
- Tu fabules, tu romances.
- J’me suis jamais fait baiser deux fois de suite.
- Eh ben tu sais pas ce que tu perds.
Magnifique. Pratiquement inégalable même. A mon modeste niveau de dialogue, j’ai failli interviewer Annie Girardot. C’était en juillet 2002 au théâtre de verdure de Pézenas où, dans le cadre du festival La Mirondela dels arts, elle venait jouer Mme Marguerite devant un public acquis d’avance. J’ai failli parce que cela ne s’est finalement pas fait. Non que j’ai failli à ma tâche mais parce que ce jour-là, l’attachée de presse fit barrage. Nous avions pourtant rendez-vous. Et je me faisais une joie de m’entretenir avec l’héroïne de Mourir d’aimer.
- « Mme Girardot ne pourra pas répondre à vos questions. Elle m’a demandé de bien vouloir l’excuser. Je suis désolée. » Je me souviens avoir insisté.
- « Écoutez, je suis un peu surpris. J’ai eu une confirmation de votre part encore hier matin au téléphone et vous comprenez bien qu’une parution était prévue dans le journal de demain et…
Et c’est Annie Girardot en personne qui vint terminer cet échange. Sèchement mais poliment. Elle sortait d’un mobil-home servant de loge.
- « Jeune homme, je comprends parfaitement votre déception mais je suis fatiguée et je souhaite me reposer un moment pour être en pleine forme tout à l‘heure. Allez, soyez gentil maintenant. »
Surpris par cette apparition et intimidé aussi, je ne dis pas mot. Il restait deux bonnes heures avant la représentation. Le temps de prévenir la rédaction de mon infortune et je partis acheter un paquet de clopes, boire un coup et râler dans un coin du parc.
A l’heure dite, Madame Marguerite avait endossé sa blouse de maîtresse de la classe de 7e face à un public ayant valeur d’élèves fictifs. Comme prévu. Et elle allait être époustouflante. Tendre, drôle, autoritaire, complice, grossière, elle multipliait les personnages en un seul. Nous buvions ses paroles et ses mimiques au point d’oublier complètement que nous étions installés sur une tribune en bois inconfortable.
En mon for intérieur, je me disais qu’elle s’était quand même bien foutue de ma gueule la vieille car elle était pas fatiguée pour deux sous. Ou alors elle avait des siestes bougrement réparatrices. Sa prestation s’acheva sur de longs applaudissements nourris et mérités.
Ce festival piscénois étant assez familial, artistes, techniciens et spectateurs prennent souvent le verre de l’amitié en petit comité pour échanger à chaud. Ce fut le cas ce soir-là. Annie Girardot se fit longtemps attendre. Au point que bon nombre de présents pensaient qu’elle avait déjà regagné son hôtel. Puis, elle sortit de son mobil-home. Ce n’était plus du tout la même. Elle s’était vidée les tripes sur scène et elle avait donné tout ce qu’elle avait à son public, passant outre des souffrances physiques alors bien visibles. Elle marchait très péniblement et je me souviens qu’elle ne parvint pas à ouvrir seule la portière de la voiture qui l’attendait.
De nouveaux applaudissements isolés d’abord, puis généralisés ensuite - rythmés par des bravos, bravos ! - accompagnèrent sa sortie. C’était absolument émouvant et quelques larmes mouillaient le visage de certains.
Fort de ce souvenir, la nouvelle de son départ paisible qui est tombée aujourd’hui n’est pas surprenante. Annie Girardot a résisté autant que possible. Chacun pensera à un film plus qu’un autre ou à son discours vibrant des Césars. Mais Claude Lelouch voit juste quand il dit qu’on vient de perdre l’Edith Piaf de la comédie.
Pour ma part, je garde en tête cette soirée où elle était passée outre une mémoire déjà défaillante avec un brio certain. Voici maintenant qu’elle a fermé les yeux. Pour une dernière et longue sieste.
 

samedi 26 février 2011

Le cul de Frédéric François

Elle est de dos. Au premier coup d’œil, je m’attarde sur son imposante chevelure. Frisée et longue, elle dégage une étonnante amplitude. Un roux léger tirant sur le châtain. Elle porte une veste noire et courte, des bottines élégantes et un sac à l’épaule imprudemment entrouvert. Quelqu’un devrait d’ailleurs lui dire de faire attention car on aperçoit certains effets. Dont une brosse et un livre. Je ne peux être celui-là car ce serait inconvenant me dis-je. En fait, je n’ose pas. Cependant, je me surprends à me déplacer légèrement comme si je voulais deviner le nom de l’auteur du bouquin. Et voici qu’un tiers profite de ces instants de trouble pour se faufiler et gagner une place ou deux dans la file. Le fourbe !
D’un mouvement latéral et brusque, je reviens à ma place comme pour m’offusquer de l’outrecuidance de l’intrus. Dérangée par le manège qui se trame dans son dos, elle se retourne quelques secondes et j’aperçois des tâches de rousseur au milieu d’un visage éclatant et marqué par un large sourire. Elle n’a pas dit mot. Mais on a l’impression qu’elle a parlé, qu’elle nous a dit de ne pas pousser, que notre tour viendrait naturellement. Dès lors, il n’y aura plus aucun désordre dans la file. Aucun mot échangé.
Comme un con d’homme, qui ne voudrait pas capoter, j’essaye de regarder ailleurs mais reviens assez régulièrement sur son cul. Je pourrais dire sur ses formes callipyges pour entretenir une illusion poétique et une certaine finesse. Mais, c’est une réalité au moins depuis Balzac, « une femme montre plus promptement son cul que son cœur » . Un homme aussi du reste ! Et celui-ci était magnifique. Ferme, bien rond, occupant un jean juste comme il le fallait. Sans excès. Quand on fait la queue, peu importe l’endroit, l’impatience et l’inactivité font que l’on s’invente vite des histoires. Et ce n’est pas parce qu’on parle de cul que l’histoire est forcément sexuelle. Ce postérieur a beau être bien séant, il ne me viendrait absolument pas à l’idée d’en savoir davantage sur sa propriétaire. Vous n’êtes pas obligés de me croire.
D’ailleurs, lorsqu’elle sort son téléphone pour passer un appel, je suis heureux de pouvoir mettre un prénom sur cette crinière au vent et cet extérieur agréable au regard. Et sans doute au toucher. Ce sera donc Maria. Sa voix semble assez agréable elle aussi. Je rêve de voir un objet quelconque tomber de son sac afin que nous nous baissions (il est important ici de vérifier qu’il y a bien deux « s ») tous deux pour le ramasser et que nos regards se croisent et que nous remontions en nous frottant légèrement comme dans les films…
A y être, elle vient d’agiter sa chevelure avec la virtuosité d’une publicité pour shampooing. Quelques minutes passent. Calmement. Son sac semblant assez bien rempli, voici que Maria adopte maintenant une position consistant à s’appuyer exagérément sur sa jambe gauche comme pour faire contrepoids, pose qui réajuste aussitôt le jean et donc son contenant et qui le présente sous un aspect encore plus prometteur. Cela en serait presque gênant. Je ferme les yeux un moment et ne pense à rien.
Il s’agit de reprendre son souffle et non pas de songer aux plus folles étreintes. Un homme s’évacue et Maria prend place face à la guichetière. J’ai alors devant moi une vue imprenable mais je n’en abuse pas. D’autant que nous ne sommes pas seuls et que je pourrais vite être repéré. Mais quel cul quand même Maria ! Il doit faire des envieux. Elle va passer commande. Peut-être espérons nous des billets pour le même concert…
- « Bonjour, il me faudrait 2 places pour Frédéric François au Zénith le 25 mai, s’il vous plaît ».Elle était encore occupée à régler que, déjà, je tournais les talons. A mon tour, je lui présentais mon cul…

jeudi 3 février 2011

Une trop longue attente

Je te regardais fixement en me demandant à quoi tu pouvais bien penser. Tu étais à deux pas à peine, silencieux, et fumais nerveusement. A l’écart. Je ne savais pas quelle attitude adopter. On ne se connaît pas même si nous avons des connaissances en commun. Nous nous sommes serré la main par politesse une fois ou deux, avons échangé quelques phrases noyées dans les banalités d’usage. Mais, en pareille circonstance, les mots ne pèsent rien. Tes parents ne sont pas loin non plus. La peur se lit sur vos visages, une immense lassitude aussi. De la fatigue.
Ce que l’on vous inflige à distance est insoutenable. Vos jours ne sont pas en danger mais vos nuits le sont toutes. Que de tourments injustifiés, que de cauchemars renouvelés, que d’attentes vaines, que d’espoirs déçus, que d’incompréhensions sourdes. Mais, surtout, quelle respectabilité. Pas un mot plus haut que l’autre ou si peu alors que d’autres hurleraient, pas une note discordante même avec le temps qui passe. Simplement digne.
A midi, vous avez brièvement répondu aux sollicitations par obligation. Vous auriez préféré que l’on vous fiche la paix. Vous êtes l’un à côté de l’autre et dès que l’un s’écarte, il est aussitôt cherché du regard car vous faites corps. Soudés presque malgré vous.
Eux, on ne sait pas vraiment où ils sont mais on les voit partout. Il est bien impossible d’imaginer leur quotidien. On ne s’y autorise même pas. D’ailleurs, nous ne pouvons pas faire grand-chose car cela nous échappe complètement. Trop d’ailleurs. Mais le silence est coupable. Et tous ceux qui se démènent, admirablement, avec des moyens ridicules, ont votre respect. Et le nôtre.
Le fils allume une autre clope, semble saisir quelques mots à la volée mais il n’y a rien dans l’air qui n’ait pas déjà été dit. Je le sens agacé. Peut-être parce qu’il n’y a pas assez de monde. Il parle à un ami, sourit mais le cœur n’y est pas. Un élu parle à sa mère. Elle refuse un sanglot. On montre au père une carte postale avec deux visages qu’il ne connaît que trop. Un plus que l’autre. On lui dit qu’on peut écrire un mot ou plusieurs et qu’elles seront expédiées au ministère. On est dans le symbole. Alors que nous devons juste bousculer des montagnes.
On ne s’habitue pas à l’absence. Chaque jour est un cri. L’intérieur est rongé. On tient avec les nerfs, quelques bons amis et une volonté de fer. Et, à n’en pas douter, une assistance médicamenteuse.
Il frotte ses lunettes maintenant, lâche un gros soupir, embrasse un visage connu et dit du mal de nos gouvernants dans la conversation. Tout en se retenant. Il regarde son frère qui n’est toujours pas là. Mais on vient juste de dérouler la bâche et son portrait inonde le ciel d’Antigone avec son camarade de misère. C’était à midi aujourd’hui pour des 400 jours faute de 400 coups. Thierry mais aussi Gérard et Arlette Taponier sont repartis aussi discrètement qu’ils étaient venus à Montpellier. Pour Stéphane. Pour leur Stéphane. Et Hervé aussi qui aura 48 ans samedi. Là-bas, loin. Dans ces montagnes inhospitalières.

jeudi 27 janvier 2011

Auschwitz-Birkenau : n'oublions jamais....

Auschwitz-Birkenau : l’enfer que l’homme a été capable de créer pour d’autres hommes réduits au rang de bêtes ou anéantis sans raison. Inimaginable. Même 65 ans après.
La lecture de 20 minutes ce matin nous informait que la fondation qui assure la conservation du Mémorial cherche à récolter des fonds. Car il est désormais urgent de conduire des travaux importants de conservation sur le site. L’histoire a ceci de saisissant que ce binôme de l’horreur absolue - le camp de concentration d’Auschwitz et son voisin d’extermination de Birkenau - constitue aujourd’hui un patrimoine mondial du crime contre l’humanité. Une des pires traces du genre humain. Oui, en hommage des victimes de l’Holocauste, en souvenir des 1,1 million de personnes qui ont perdu la vie ici pour la plupart d’entre elles dans les chambres à gaz, il faut sauver Auschwitz-Birkenau et non pas l’enfouir dans les tréfonds de la mémoire collective.
J’ai eu la chance de me rendre sur place, en Pologne, lors d’une commémoration très particulière. C’était en mai 2005 lors de la Marche des Vivants. Ce jour-là, 60 ans après la libération des camps, près de 20 000 personnes venues d’une soixantaine de pays se sont retrouvées pour Yom Hashoa, le jour du souvenir dans le calendrier hébraïque. J’accompagnais pour Midi Libre une délégation de collégiens lauréats du concours de la Résistance et de la Déportation. C’était le 5 mai.
La veille déjà, nous avions visité le ghetto juif et le cimetière de Varsovie. Le soir, sur le stade juste à côté de l’hôtel, le hasard du calendrier sportif nous offrait l’affiche la plus alléchante de la saison footballistique : Legia Varsovie / Cracovia. En regagnant nos chambres, nous croisâmes sur le trottoir des hordes de supporters assoiffés de bière et de haine converger vers cette enceinte en arborant outre des drapeaux nationalistes et des regards de chiens féroces des décorations et objets à la gloire du 3e Reich. De peur que nous nous fassions agressés (nous portions des coupes-vent estampillés Marche des Vivants), les accompagnateurs nous firent hâter le pas afin d’éviter que quelques illuminés veuillent encore casser du Juif ou apparenté. Démonstration était faite que la bête immonde n’était pas morte.
Du balcon de la chambre d’un ami, offrant vue plongeante sur le pré vert, je n’eus d’yeux que sur les tribunes, craignant une gigantesque échauffourée à tout moment, tant cela sentait la poudre. « Ils sont toujours comme ça les soirs de match. Ce sont des fous qui peuvent être très dangereux car ils ne réfléchissent pas » me commentait notre accompagnateur, un brin fataliste, alors que nous tombions après match une bouteille de vodka Chopin au comptoir pour ne pas oublier que le pianiste virtuose était un Polonais bien plus recommandable que ces nazillons nostalgiques.
Dans le bus qui nous transportait le lendemain vers Oswiecim (Auschwitz en polonais), comme si le contexte ne suffisait pas, quelqu’un avait trouvé pertinent de diffuser La liste de Schindler. Nous étions donc bien conditionnés à notre arrivée et le moral des troupes était définitivement plombé. Un léger brouillard et une pluie fine mais froide complétaient le décor à merveille.
Auschwitz, c’est un livre d’histoire grandeur nature ouvert sur le monde et où rien n’est épargné au regard. Un endroit où l’horloge du temps s’est arrêtée d’un coup et où l’on a parfois l’impression que les Allemands sont partis depuis pas si longtemps tant rien ne semble avoir bougé. Tout est en l’état ou presque. Le numérique n’a pas encore trouvé sa place dans cet espace muséographique et c’est heureux.
Du portail d’entrée avec son effroyable inscription en fer Arbeit macht frei (le travail vous libère) jusqu’à cet insoutenable pavillon n° 5 où l’on trouve des prothèses, lunettes et bagages abandonnés en chemin, les restes de cheveux - « on en retrouva sept tonnes à la libération des camps » disait la guide - ou les récipients empilés du gaz Zycklon B - « chaque boite d’un kilo pouvait tuer au moins 150 personnes ». Ici, des enfants ont été brûlés vivants… On sort de là avec le dégoût, sinon la gerbe, à la bouche.
Et puis, dans ce pèlerinage de l’atrocité, la marche menait à Birkenau. Un survivant avait revêtu son pyjama rayé de l’époque, ou un exemplaire lui ressemblant, et avançait péniblement en portant un écriteau avec son numéro de matricule. J’avais repéré à l’hôtel un jeune homme d’une vingtaine d’années assez excité et qui, sans explication ni avertissement, se mettait soudainement à hurler. Il s’appelait Doron comme Jamchi, le légendaire basketteur du Maccabi Tel Aviv. Là, il filait très vite et était emmitouflé dans un drapeau d’Israël. Puis revenait sur ses pas. Un peu perdu le bonhomme.
Quelques minutes après, je vois un attroupement et des gens en pleurs. Parmi eux, Doron. Littéralement desespéré. Manquant de repères historiques, je ne comprends pas cette soudaine émotion collective. Je me renseigne. Nous sommes à côté de rails de sinistre mémoire ceux de la Judenrampe, le terminus des convois où les occupants descendaient en masse et partaient aussitôt vers une mort terrible. Des centaines de bougies sont allumées en quelques instants et le recueillement est impressionnant. Beaucoup s’effondrent sur les rails comme s’ils n’allaient jamais se relever. Ils voulaient venir là. Voir, toucher, pleurer. Ils y sont.
Au loin, une voix reconnaissable a déjà commencé à parler à la tribune aménagée dans le camp même de Birkenau qui est noir de monde. C’est Elie Wiesel qui s’exprime. Le prix Nobel de la paix et rescapé de la Shoah. « Auschwitz était une planète à part. Un lieu où le ciel serait un cimetière invisible, où l’on ne pouvait pas aimer ou se marier, où l’on ne donnait pas la vie mais où la mort était quotidienne et effroyable ». De mémoire, je ne pense pas trahir son propos.
Vint ensuite le tour d’Ariel Sharon alors chef de l’État d’Israël et aujourd’hui plongé dans un coma dont il ne sortira probablement jamais. J’ai oublié la teneur de son intervention. De toute façon, le service des informations générales s’en occuperait. Je pestais de ne pas trouver une prise électrique pour envoyer mon papier et de ne pas arrivé à me faire comprendre par un cerbère qui m’interdisait l’accès à la salle de presse. Mon accréditation avait valdingué dans la foule depuis longtemps. J’ai dû glisser sous une bâche pour prendre la place d’un confrère allemand qui avait terminé son article et qui m’expliqua les rudiments de la transmission dans un français d’école. J’ai recommencé mon texte trois fois. Le trop-plein d’événements sans doute se bousculait dans ma tête encombrée.
Le portable passe très mal mais je parviens finalement à joindre ma rédaction. Le rédacteur en chef a le cul vissé dans son bureau et peine à imaginer que nous sommes dans un autre monde. « Dis Jérôme, un 3 questions à Ariel Sharon pour boucher la colonne de droite, c’est possible ? » « Mais bien sûr Roland ! Je parle couramment l’hébreu et il n’y a qu’une vingtaine de gardes du corps armés à ses pieds. Tu me donnes deux minutes pour fendre la foule et je te ramène ça… On se rappelle ! » Devant tant de connerie, j’avais raccroché un peu sèchement. Je me le suis entendu dire au retour d’ailleurs.
Autour de moi, les comportements sont ahurissants. Des couples se prennent en photo comme s’ils étaient devant la Tour Eiffel, les jeunes parlent fort alors que l’on aimerait écouter le silence. Un groupe est même assis sur le toit d’une ancienne chambre à gaz pour la pause sandwichs ! L’encadrant les fait descendre à grands frais.
Quelqu’un pleure, hurle même.
Je fais le tour d’un baraquement et retombe sur Doron. Il se roule par terre de douleur. Il est soudainement habité. C’est un autre homme, comme subitement touché par la folie. Personne n’ose l’approcher. C’est un moment de grande souffrance intérieure. Il finit par se calmer après de longues minutes et est réconforté par un temps de prière. Je vais aux nouvelles. En curieux. Et je ne suis pas le seul. « Il va mieux. Comme nous tous, il venait ici chercher la réponse à des questions personnelles, penser à des proches dont il ne sait que peu de choses, prier pour nos morts. Il vient de réaliser ce qui s’est passé ici et il l’extériorise à sa façon. Ne vous inquiétez pas. C’est un garçon solide, je le connais », tente de nous rassurer un vieil homme qui ramasse l’étendard abandonné par Doron dans son excitation.
De retour à Cracovie, la soirée fut longue. Impossible de sortir pour une marche à pied et se changer les idées. Marcher, nous n’avions fait que ça de la journée et personne n’avait le cœur à se promener, ni même à plaisanter. Je crois me souvenir que nous prîmes une double rasade de vodka - Zubrowka cette fois - et une belle cuite. Il fallait au moins ça…
Aujourd’hui, le plus important est de sauver Auschwitz-Birkenau. D’où l’idée de la campagne « Agissez maintenant » qui vient d’être lancée il y a peu (Facebook.com/AuschwitzInterveneNow) sur le réseau social.
Comme le dit Noach Flug, le président de l’association israélienne des survivants de l’Holocauste, «  la préservation d’Auschwitz est très importante à mes yeux car, bientôt, nous, les survivants, ne seront plus là pour témoigner. Or, le camp constitue un témoignage historique sans équivalent. » N’oublions jamais. Pour les morts. Pour ceux qui sont revenus et qui ont vécu avec. Pour nos enfants. Pour la paix de l’âme de Doron aussi.

vendredi 21 janvier 2011

Je suis obligée d'aller manger à Coluche

C’est une phrase que j’ai vu passer au milieu des courriers des administrés. Il était question d’une dame, abandonnée par son mari, qui subsiste tant bien que mal avec les trois enfants du couple et pour qui le 25 du mois démarre bien souvent dès le 5.
Elle expliquait les difficultés qui étaient les siennes avec force détails qui rendaient la lecture gênante. Puis, elle terminait sa missive par cette phrase inédite mais aussi touchante : « Je n’ai presque plus rien, je suis obligée d’aller manger à Coluche ».
D’ici un gros trimestre, cela fera mine de rien un quart de siècle que le fondateur des Restos du Cœur nous a quitté sur une départementale des Alpes-Maritimes, dans un virage mal foutu entre Opio et Valbonne, où l’infortune estivale avait décidé de placer sur la route de son deux-roues un semi-remorque inexplicablement scotché en travers de la chaussée. Putain de camion. On ne va pas refaire l’histoire. Ni la chanson. Je connais cet endroit par cœur (j’ai brièvement habité Valbonne), j’ai joué au petit enquêteur en herbe en calculant s’il avait vraiment eu le temps de freiner, j’ai même fleuri la stèle du temps où il y avait encore une statue de pierre du frisotté en salopette. Elle a été volée depuis.
S’il revenait aujourd’hui, Coluche serait profondément écœuré de voir que ses Restos qui n’étaient pas appelés à durer ne servent plus 8,5 millions de repas comme lors de la première campagne de 1985-86, ce qui était déjà énorme, mais plus de 100 millions comme lors de la dernière livrée hivernale. « Mais qu’est-ce que vous avez foutu bande d’enfoirés ? Alors on peut pas vous laisser vous démerder sinon vous faites n’importe quoi ! », qu’il gueulerait le bougre. Puis, tout étonné que sa géniale trouvaille soit devenue une véritable entreprise de la solidarité, il verserait peut-être une petite larme devant l’extraordinaire élan des bénévoles hexagonaux qui se bougent la couenne tout l’hiver et en silence pour donner des produits de base à ceux qui n’ont plus rien.
Et je l’imagine alors reprendre le micro d’Europe 1 ou convoquer une méga conférence de presse au théâtre du gymnase pour clouer au pilori les politiques de droite et de gauche qui n’ont pas branlé grand-chose depuis son départ pour panser les plaies béantes de la fracture sociale. Il conchierait les patrons du Cac 40 et les profits immédiats et pourfendrait le règne triomphant du chacun sa merde. Et on se marrerait. Depuis le temps qu’on a pas ri avec lui !
Mais tout ça c’est du rêve. Hélas. La réalité c’est que dans quelques jours débarque à Montpellier le gratin de la médiocrité télévisuelle chantante pour remplir de pleines arènes couvertes de braves gens prêts à reprendre à pleine gorge les refrains tubesques de trente ans de mièvrerie radiophonique compilés. Et on va applaudir à tout rompre et ramasser des ronds à la pelle dont il me plairait de savoir quel pourcentage part réellement vers les Restos du Coeur.
Entendons nous bien. Je ne critique pas cette brochette de vedettes qui ont au moins le mérite d’être là. Mais je n’ai aucun respect pour ces millionnaires du CD pas si téléchargé que ça donc qui, après deux heures de bons sentiments partagés bras dessus bras dessous, iront se remplir la panse et siroter des grands crus chez Pourcel puis coucher chez Pullman 5 étoiles en faisant exprès de se tromper de chambre si vous voyez ce que je veux dire. Et pas un d’entre eux ne se dira qu’il est là pour les Restos et que, pour tâter de près ce que ça veut dire d’être dans la panade, il pourrait aller donner un coup de main aux bénévoles le matin dans un des centres - sans les caméras évidemment - au lieu de vomir discrètement son bourgogne. Coluche, lui, le faisait. Aujourd’hui, on a plus le droit ?

samedi 15 janvier 2011

Si la dame morte au bout de ma rue avait été plus convaincante, on aurait évité la Seconde Guerre mondiale


Il était tard. Tellement tard qu’il était en fait déjà tôt. L’heure où l’on finit le cul des bouteilles. Plus celles de la fête, vidées depuis longtemps, mais celles de la cave de notre hôte. Car il y a toujours quelques cols dans sa réserve. Au cas où. Et nous étions dans un cas d’espèce.
L’atmosphère ? Comment vous dire. Ceux qui ont lu « Le beaujolais nouveau est arrivé » de René Fallet et qui ont souri aux éclats de zinc de Camadule et Debedeux voient de quoi on parle. Cela ne se décrit pas. Cela se vit.
En version modernisée, c’est l’heure où les phrases sont en morceaux, où quelqu’un sort d’une pièce où il n’était pas seul vu son air enjoué, où les mains traînent ailleurs que sur les culs. Il n’y a plus rien à bouffer sinon des miettes et la platine passe le même morceau entêtant pour la quatrième fois… Alors, on finit de boire et on se sert le cinquième et dernier verre avant de partir. Promis.
Et puis vient la tirade du premier qui pense à rentrer.
- T’habites où toi ?
- A La Chamberte.
- Oh putain y a que des vieux dans ce coin, c’est mort.
- Belle analyse à deux balles.
- Tu veux que je te dise un truc ?
- Tu me saoûles mais je t’écoute.
Et Tom se lance dans une explication sociologique disant que pour l’Épiphanie, son boulanger habituel était en vacances. Aussi, il a acheté sa galette des rois à la Chamberte. Faisant la queue, il avait été étonné par le nombre de personnes qui venaient chercher qui une frangipane à une part, qui un royaume individuel.
- Un royaume individuel, c’est une dictature !
- C’est drôle. N’empêche que ça prouve bien qu’il y a beaucoup de personnes seules et donc pas mal de vieux dans ton quartier.
- Ou beaucoup de gens qui n’aiment pas les galettes.
J’avais beau faire le malin, je voyais bien qu’il ne serait pas facile de convaincre Tom. D’autant que, comme le ton montait et les rires fusaient, les rares personnes encore en état de marcher comme il faut s’étaient rassemblées autour de nous.
Et c’est le moment que choisit notre Manu pour quitter le canapé où il comatait depuis une paire d’heures. Je le revois se dresser comme un i, lui qui n’avait pas perdu une seconde de la discussion. Il faut dire qu’il habite à deux pas de là. Donc, ça l’intéresse.
- Ouais c’est bien beau vos histoires de galettes là mais si la femme qu’est morte au bout de ma rue avait été plus convaincante, ben on aurait pas eu la Seconde Guerre mondiale ! C’est ça aussi la Chamberte.
Sa phrase entraîne un éclat de rire général. Il faut dire que tout cela paraissait stupéfiant de conneries. L’heure avancée n’était pas une excuse suffisante pour gober.
Pendant ce temps, c’est Mathilde qui sort de la chambrette. Elle pensait sortir discrètement parmi les rires mais c’est manqué car elle est à moitié débraillée.
- C’est quoi ce délire de guerre Manu ?,
Alors Manu s’énerve et se met à gueuler de venir avec lui dans la rue. Tout le monde s’en fout mais il prend Marie par le bras et embarque Denis par le col. Le convoi se trimballe tant bien que mal.
Quelques instants plus tard, le groupe est devant le Mas de Rouel. Et Manu retrouve une seconde jeunesse lorsqu’il s’agit d’évoquer l’histoire de cet endroit précis. J’ai toujours été admiratif des types qui, même pétés comme une fiole, gardent suffisamment le contrôle de la situation et d’eux-mêmes au point de pouvoir affiner des raisonnements qui se tiennent mieux qu’eux.
Tout en mettant la main autour du cou de Marie, il joue au prof en montrant cette belle bâtisse dont on aimerait bien voir l’intérieur. Tout est calme au dehors même si une voiture passe vite et frôle le groupe. Personne ne pense à lire la plaque murale de la maisonnée si ce n’est Denis qui dit juste « Monténégro » et cela suffit à provoquer de nouveaux rires bas de gamme.
« Une reine a vécu ici. Hélène de Savoie, la dernière reine d’Italie, l’épouse de Victor Emmanuel III. La nièce du tsar Nicolas II de Russie si vous préférez. Ils ont régné chez nos voisins pendant plus de 40 ans, au tout début du siècle dernier. Elle était bel et bien native du Monténégro »,
- Vous suivez ?
- Ouais mais on se caille les miches, accélère !
- On s’en tape de ta reine, elle est morte...
Il reprend en passant outre les quolibets braillards.
« Après la chute de la monarchie, sa famille s’était exilée en Égypte. En 1950, craignant une tumeur cancéreuse, elle débarque dans le cabinet d’un professeur de médecine de Montpellier qui lui a été recommandé par un de ses anciens élèves. Il la soigne. La reine Hélène apprécie Montpellier et fait la connaissance de la famille du professeur avec laquelle elle sympathise vite. Alors qu’elle vivait à l’hôtel, il propose de l’installer au mas de Rouel, sa propriété sur la colline de la Chamberte, à l’écart de la ville dans un cadre verdoyant. Ici donc. Elle accepte et n’en bougera plus et mènera une vie discrète jusqu’à sa mort en 1952. Elle ne rentra jamais en Italie, ne fera plus de politique. Même une fois la République proclamée. Elle adorait aller à la pêche paraît-il. »
- Bon moi je rentre, il fait trop froid. Tu parles comme un livre mais je ne suis pas réceptive dans mon état.
Manu ne cache pas sa déception de voir Marie partir en chemin alors qu’il pensait faire remonter en elle ses racines transalpines. Et le modeste public restant deviendrait presque ingrat.
- Elle est pas mal ton histoire mais c’est quoi ton délire avec la Seconde Guerre mondiale et cette bonne femme. Tu vas nous le dire oui ou merde ?,
« J’y viens. Si la monarchie italienne est tombée avec Victor-Emmanuel III, et plus précisément son fils Umberto qui lui succéda brièvement au trône…
- Je le connais celui-là, c’était Umberto Tozzi ah aha aha,
« C’est malin. Umberto Tozzi… Merde, Paul tu me fais dire des conneries. Victor-Emmanuel III reste aussi, hélas, celui qui dans l’histoire, en pleine crise sociale, a ouvert la porte aux thèses fascistes de Mussolini en facilitant son accession au pouvoir dans les années 1930, persuadé qu’il était que ce type pouvait alors sortir le pays de la mouise. On sait ce qu’il est advenu. Quelques années plus tard, c’est ce sinistre connard qui allait composer avec Franco et Hitler la plus belle triplette sanguinaire que la terre ait connue. Il se dit que la reine Hélène avait fait tout son possible pourtant pour influencer le roi, le dissuader même. Mais visiblement pas assez. Voilà, vous savez tout bande d’ignares. Allez, on rentre. La leçon est finie. »
Manu s’autorise une dernière lampée et montre l’ultime bouteille aux joyeux drilles. Il l’avait bien repérée en quittant son canapé tout à l’heure. Alors qu’il franchit déjà le portillon de chez lui, il montre l’étiquette à ses potes en s’autorisant une sortie théâtrale : "C’était une cuvée La belle Hélène. A ta santé ma Reine !"

vendredi 31 décembre 2010

BREKA NAZAIRE KOUKOUGNON

Breka Nazaire Koukougnon : son patronyme était déjà tout un poème. 
Je me souviens parfaitement de son arrivée à Bordeaux. Il avait débarqué quelques jours après nous sur le campus de l’IUT à Gradignan, en provenance de sa Côte d’Ivoire natale qu’il n’avait jamais quittée auparavant. Il avait une trentaine d’années.
C’est Edith Rémond, la directrice de l’école, qui l’amena jusqu’à moi alors que je me trouvais au self, parmi d’autres, à la mi-journée. Il paraissait complètement perdu, scrutait son nouvel environnement avec des yeux presque apeurés (il faut dire qu’entendre les étudiants en carrières sociales jouaient de la guitare à l’heure du sandwich, cela faisait vraiment flipper) et je n’ai pas pu éviter une plaisanterie lorsqu'il donna son nom. « Eh bien, ça commence plutôt mal ! C’est un pseudo ? » 
C’était bel et bien son nom. Contrairement à nous, qui étions là pour apprendre notre futur métier, Nazaire venait pour se perfectionner. Il était déjà journaliste et travaillait à Abidjan pour Fraternité Matin. Un canard qui nous était parfaitement inconnu et qui l’est toujours aujourd’hui d’ailleurs... Notre nouveau camarade avait bénéficié d’une bourse d’Etat, que l’on devinait généreuse, de la part de Félix Houphouët-Boigny. N’importe quelle biographie sérieuse souligne au sujet du père de la « Françafrique » combien il incarnait alors un régime dictatorial rongé par une corruption endémique. Nazaire, lui, voyait aveuglément en lui (évitons ici tout jeu de mots superfétatoire avec ivoirien merci) comme un second père et ne riait pas toujours à nos blagues potaches sur le dit président. « Oh non Jérôme, ça il ne faut pas le dire. C’est pas gentil quand même ! » me grondait-il parfois, comme si un gourou menaçait de me jeter des sorts depuis Yamoussoukro. Puis, Nazaire partait dans un rire communicatif dont il avait le secret.
Entre autres caractéristiques, Nazaire affichait une conception toute africaine de la ponctualité horlogère doublée d’une nonchalance coupable qui tendait parfois vers l’infirmité. Ce garçon se tenait à l’abri de toute brutalité. Il allait à son rythme et il fallait faire avec.
Comment ne pas évoquer sa chambre de cité U ! C’était une annexe de la FNAC et de Darty réunis. Je l’ai dit plus haut, Nazaire pouvait compter sur une bourse d’État susceptible d’être sujette à l’impôt sur la fortune (j’exagère à peine). Aussi, il achetait à tour de bras des magnétoscopes, téléviseurs ou chaînes hi-fi, qui pour son cousin, qui pour sa tante, qui pour un collègue… Avec la ferme intention de ramener tout cela au pays quand bien même il lui faudrait louer un bateau. En revanche, il ne comprenait pas pourquoi j’achetais autant de disques. « C’est pour faire travailler tes chaînes hifi ! », assurais-je.
Un soir où il m’invita à dîner, c’est bien simple je dus manger mon plat de pâtes sur je ne sais quel engin électronique faisant office de tablette dans son capharnaüm. Sacré Nazaire ! A côté de ça, il aurait donné volontiers sa chemise. Combien de fois aussi manqua-t-il un cours ou se crut autorisé à abréger la deuxième heure parce qu’il devait aller téléphoner. A cette époque, le téléphone portable n’existait pas mais il faisait une consommation incroyable de cartes en tout genre… Il faut dire qu’il avait fondé une petite famille.
Un jour, il me fit promettre de lui rendre visite chez lui une fois nos études achevées. J’ai dit oui sans trop réfléchir, par exotisme sans doute, mais nous nous sommes complètement perdus de vue pendant quinze ans. Houphouët-Boigny est mort quelques mois après la fin de notre parenthèse girondine, autant que je me souvienne, et je l’imaginais inconsolable à distance.
Et puis, ces semaines dernières, je pensais à lui régulièrement aiguillé par l'actualité. Où pouvait-il être dans ce pays au bord de la guerre civile, écartelé entre les partisans de Gbagbo et ceux de Ouattara ? Je le pensais journaliste pro-présidentiel mais sans certitude.
Vint alors ce matin de Saint-Sylvestre 2010 où je tapais son nom reconnaissable entre mille sur Google. Le choc fut rude. Le premier lien m’envoyait direct vers une oraison funèbre à l’africaine indiquant que notre ami Nazaire était mort en mai 2008. Et nous ne l’avions pas su. Quelle misère ! L’article ne s’étale pas dessus mais rien ne dit que sa mort fut douce. Il laisse une veuve, trois enfants et une belle villa avec un intérieur en marbre. Visiblement, Nazaire a toujours su se mettre à l’abri du besoin. Tant mieux pour lui. Pour ses gosses.
Et défile le souvenir de nos jeunes années insouciantes. Je recherche encore quelques anecdotes, d’autres me reviendront certainement. Les anciens camarades de promo avec qui je suis encore en relation ajouteront les leurs.
Salut à toi Nazaire. Bonne fin de route. C’est désormais une certitude, je n’irai jamais à Abidjan.